Dans la nuit caniculaire de vendredi à samedi, à la recherche du sommeil, je n’arrivais pas à m’enlever de la tête « Beds Are Burning » du groupe australien Midnight Oil. Trente-cinq ans ont passé depuis la sortie de cette chanson. L’impact de l’activité humaine sur le réchauffement planétaire ne fait plus de doute, pas plus que la nécessité et l’urgence de la transition énergétique. Pour autant, il me semble que les moyens pour y parvenir, notamment en supply chain, comptent encore d’inquiétantes zones de flou. C’est ce qu’a exprimé très concrètement Philippe Givone la semaine dernière, lors du très bel évènement célébrant les 20 ans du club Demeter. Face aux projections de l’Ademe ou du think tank « The Shift Project » dont les représentants venaient de souligner la nécessité de réduire de 25 à 45% les volumes du transport routier, le président du transporteur Jacky Perrenot a insisté sur le fait que la transition énergétique, dont il ne conteste pas l’urgence, devait être partagée, et non imposée. « On ne pourra pas tout révolutionner dans le transport, d’un seul coup. Les enjeux économiques sont tels qu’on n’y arrivera pas » a-t-il lancé, en insistant sur le rôle de l’Etat pour aider, orienter, et se pencher sur la pertinence opérationnelle et économique de cette transition pour les entreprises concernées, en l’occurrence les transporteurs routiers. D’une certaine manière, on retrouve aussi cet écueil systémique sur d’autres maillons de la Supply Chain. Début juin, lors du Gala de l’Agora du SCM, le philosophe et ancien ministre Luc Ferry a notamment affiché ses convictions sur la recyclabilité et son grand scepticisme envers la généralisation de la réparabilité des produits. Selon lui, cette obligation aurait pour effet de nuire fortement à l’innovation, le moteur « Schumpeterien » de notre économie de marché. Là encore, on le voit, la transition énergétique ne pourra fonctionner durablement que si les acteurs dans leur ensemble sont prêts à en partager les risques et à faire bouger les lignes. C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’une structure transversale d’expérimentations telle que le Club Demeter ! Jean-Luc Rognon