On avait presque oublié que les risques en Supply Chain peuvent avoir des conséquences dramatiques, et que la traçabilité amont et la lutte contre la contrefaçon revêtent une importance stratégique, pour les vendeurs comme pour les clients. Les quelque 37 morts et plus de 3.000 blessés au Liban la semaine dernière sont là pour nous le rappeler. Même si cette explosion de bipeurs et de talkie-walkies appartenant aux membres du Hezbollah ne sera sans doute jamais revendiquée par Israël et ses services secrets, il s’agit clairement d’une opération de grande envergure et de longue haleine de piratage de la supply chain, qui aurait permis d’insérer des explosifs dans ces équipements. La piste des pagers de marque taïwanaise se perd dans les méandres de sous-traitants et autres sociétés écrans en Europe de l’Est. Quant au fabricant des talkie-walkies japonais, il nie toute responsabilité en précisant que la fabrication de ces modèles n’a plus lieu dans ses usines depuis 10 ans et que l’approvisionnement a sans doute été effectué via une plateforme ecommerce asiatique, à partir de reliquats de stocks, ou de produits d’occasion / contrefaits. Dans le cas présent, l’opacité de la Supply Chain était d’autant plus forte que ces produits low-tech (justement choisis par le Hezbollah pour leur robustesse aux interceptions) ne font pas l’objet d’un contrôle aussi poussé en matière de lutte anti-contrefaçon. On connaissait sa valeur stratégique pour les entreprises, mais voilà que la Supply Chain dévoile un côté plus obscur, aux accents géostratégiques. Jean-Luc Rognon