Et quid de la « re-ferroviairisation » du fret ?
C’est grave docteur ? Je crois avoir en moi le travers de beaucoup de Français, à savoir de n’être jamais content. Certes, la « séquence » ministérielle et présidentielle commencée la semaine dernière, consacrée aux enjeux de réindustrialisation de notre pays, a quelque chose d’enthousiasmant. Le chef de l’Etat a pu ainsi rappeler les investissements massifs déjà engagés notamment sur les filières des batteries, de l’électronique ou des industries pharmaceutiques et sa volonté d’accélérer et de simplifier les choses en matière de procédures administratives. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que le déclin qu’a connu l’industrie en France depuis des dizaines d’années a également pesé lourd sur celui du transport de marchandises par voie ferrée. Et que de fait, la stratégie territoriale de réindustrialisation devrait logiquement s’accompagner d’une revitalisation du fret ferroviaire, pour des questions économiques tout autant qu’écologiques. Or cette « re-ferroviairisation » du fret est-elle sur les bons rails de l’objectif fixé par la loi Climat et Résilience, d’atteindre une part modale de 18% en 2030, soit le double d’aujourd’hui ? L’Alliance 4F, qui réunit tous les acteurs de la filière en France, n’en est pas persuadée : elle continue de tirer le signal d’alarme sur l’insuffisance des actions mises en place pour faire face à la hausse du coût de l’énergie (tarifs multipliés par 4 entre 2021 et 2023) et sur l’absence d’une loi de programmation pour garantir au fret ferroviaire les investissements annoncés par la Première ministre fin février (voir NL 3722). Par ailleurs, il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir de Fret SNCF. Le ministre des Transports Clément Beaune a convoqué la direction et les syndicats à une réunion tripartite organisée demain mardi pour discuter des scénarios possibles, afin de donner suite aux éventuelles conséquences de l’enquête en cours, lancée depuis le 18 janvier par la Commission européenne, au motif que Fret SNCF aurait bénéficié d’aides publiques allant à l’encontre de la concurrence libre et non faussée. Apparemment, la direction de l’entreprise plaiderait déjà pour la procédure dite de « discontinuité », qui consisterait à « céder » certains types de trafics ou certains grands clients à la concurrence… Alors, à quand la re-ferroviairisation de la France du fret ? Jean-Luc Rognon